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Réflexion photographique autour du « chez-soi »

Qu'est-ce que ça signifie? Et est-ce si facile à trouver?

Par
Barbara-Judith Caron
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Le « chez-soi », le « chez moi » on a beaucoup été forcé d’y penser ces derniers temps. On y a réfléchi collectivement, au même moment, souvent chacun dans son coin, parce que la situation l’imposait. On y a passé un nombre incalculable d’heures pendant la pandémie (pour certain.e.s ce n’est toujours pas terminé) et, plus largement, on s’est aperçu avec fracas – avec le mouvement Black Lives Matter – qu’on était pas tous égaux dans ce « chez-soi ».

Cette période nous a obligés à redéfinir ce que cette expression signifie. Comme le décline le photographe François Lebeau « Qu’est-ce que “chez soi”? Où je me sens “chez moi”? Est-ce que je suis “chez moi” dans ma propre peau? Est-ce que je me sens en sécurité “chez moi”? […] Si c’est un endroit ou un état d’être, le ‘’chez-soi’’ est un endroit unique qui est très personnel et, pour certain, difficile à trouver. »

De ces questionnements, le photographe québécois a tiré un projet photo. Nous lui avons parlé alors qu’il était chez lui au Colorado, son chez lui d’adoption depuis quelques années.

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Tu fais partie de ceux qui ont trouvé une impulsion dans le confinement

Comme plusieurs artistes, ou comme personnes créatives, quand on a été forcé d’être cloîtré à la maison, tout a été arrêté. Une large partie de mon travail est consacré à la photo documentaire, en particulier la photo d’aventure, alors inutile de te dire qu’on a été les premiers à être mis de côté.

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Garden of the giants // 01 . Snowpatch @klattermusen

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Mon portfolio est composé de plusieurs photos en extérieur, très souvent des photos d’escalade, mais derrière chacune d’elles, ce sont surtout les histoires des gens qui m’intéressent. Cet aspect, je pouvais donc l’exploiter dans un autre projet. Et tranquillement, j’ai vu l’occasion de photographier les gens dans leur milieu, mais à travers l’écran. On était tous dans le même bateau, à la maison! Le seul moyen de communication, c’était la vidéoconférence.

Bien entendu, ce n’est pas comme si j’étais le seul à avoir une idée semblable. J’ai vu plusieurs collègues photographier par Facetime, mais j’avais le sentiment qu’il manquait un filon dans la démarche, alors que j’avais un désir de construire une histoire, celle qu’on avait en commun avec des gens dans différents milieux, dans leur environnement.

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Mais dans les derniers mois, tout a été très vite…

Le confinement, certains l’ont vécu de manière positive, d’autres moins. J’ai commencé à approcher des gens et à faire les photos, peu importe leur état. Pendant que je travaillais le projet, le mouvement Black Lives Matter a explosé et c’est comme si la quarantaine avait pris le second rang dans nos préoccupations. J’ai pris quelques semaines pour y réfléchir et j’ai orienté la réflexion autour de la signification du « chez-soi ».

Le chez-soi, ça peut être un refuge, un endroit où on recherche du confort pour vivre de la solitude, un lieu de création. Ça reflète ton identité. Je voulais aussi montrer que certaines personnes ont de la difficulté à accéder à un chez-soi.

Une séance photo dans ce cadre-là, ça se passe comment?

Au début, j’ai contacté des amis. Puis, j’ai voulu contacter des influenceurs, des vedettes, qui sont toujours représentés filtrés. L’idée, c’était de les montrer justement sans tous ces fards. Dans mon travail, j’aime mieux aller chercher un côté un peu plus brut, alors je trouvais cet angle intéressant. Mais finalement, j’ai plutôt voulu montrer toute sorte de profils, des gens ordinaires en provenance de partout dans le monde. Je suis dans cette démarche-là, d’aller chercher une plus grande diversité, je suis porté par ça.

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Concrètement, quand même assez simple et on y va selon la personne et son ouverture d’esprit. Je demande aux participant.e.s de m’envoyer une photo de leur endroit préféré de ce qu’ils considèrent être leur chez-soi. Quand la personne habite New York, c’est souvent juste une photo parce que les apparts sont petits! Par la suite, on se donne un rendez-vous en appel vidéo.

Comment tu fais pour mettre les participant.e.s à l’aise? Ça fait beaucoup de barrières entre le photographe et son sujet…

Quand on embarque sur l’appel, on jase, on se réchauffe. Ce contact humain est important. Ensuite, ils me font faire un tour de leur environnement avec leur téléphone. Je suis avec eux, je repère l’endroit que je trouve intéressant et on s’installe. C’est drôle, parce que souvent je remarque des choses que les gens ne remarquent pas chez eux. Certains détails, une lumière, un angle intéressant. On découvre une nouvelle facette de leur chez-soi. On me dit souvent « tu vois des choses que je ne vois pas! »

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Justement, parlant de voir, il faut bien la prendre cette photo!

Quand on trouve le bon endroit, je leur demander de ne pas utiliser la caméra qu’on utilise pour les selfies. C’est une question de qualité, mais c’est aussi pour ne pas qu’ils soient distraits par leur reflet! Par la suite, je dirige la séance et je prends une photo de l’écran de mon ordinateur.

Ce n’est donc pas une capture d’écran…

Non! Ça représente notre distanciation, mais notre désir d’être proche… de nos proches. Et quand tu scroll à travers les images, il y a des différences de qualité. Au début ça me choquait vraiment quand c’était très pixelisé ou flou, mais maintenant je prends les photos comme elles viennent. La connexion internet qui n’est pas très rapide, ça fait aussi partie de l’environnement et du chez-soi, alors j’ai intégré ces éléments au projet plutôt que de me battre contre eux. Ça donne de la force et de la richesse à la conception de « chez-soi ».

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Le déconfinement s’installe, le mouvement #blm suscite toujours autant la discussion, mais semble être passé à une autre étape. Est-ce que c’est aussi la fin du projet?

Je ne vais pas arrêter. On n’est pas prêts encore.

+++

On peut voir le reste du projet photographique « Quarantaine / Quarantine » sur le site web de François Lebeau, ici.

Et on peut aussi le suivre sur son compte Instagram!